« LE CHASSE-MARÉE N°188 – RUBRIQUE TEST » – l’EPOXY
Ce mois-ci nous avons retrouvé dans un ancien numéro du Chasse-Marée un très bon article sur la résine époxy pour la construction ou la rénovation d’embarcations en bois, écrit par Jean-Yves POIRIER.
[Parmi les produits de synthèse qui ont tant contribué au renouveau de la construction bois, les époxydes sont de loin ceux qui ont le plus évolué, au point de pouvoir désormais se diluer à l’eau, ce qui permet aux constructeurs amateurs de les utiliser plus facilement.
Développés vers les années 1930 pour le collage des métaux dans la construction aéronautique, les premiers époxydes avaient une viscosité et une toxicité trop élevées pour un usage grand public. Par ailleurs, leur faible pouvoir d’imprégnation limitait les possibilités d’application sur le bois. C’est en Nouvelles-Zélande, au début des années 1960, qu’un gros travail d’adaptation et d’amélioration des propriétés de ces résines a été mené. Un peu plus tard, aux Etats-Unis, les chars à voile sur glace des frères Gougeon ont popularisé la marque West System. Celle-ci est devenue le fer de lance d’une technique de construction à part entière, dont le principe consiste à isoler totalement les fibres du bois des variations hygrométriques ambiantes, et profite ainsi de ses qualités mécaniques maximales. Dans ce cas précis, un gain de poids substantiel sur la structure bois peut être réalisé.
La résine époxy est actuellement le seul produit alliant une étanchéité quasi totale à l’eau, des capacités d’adhésion et de résistance mécanique exceptionnelles, avec une souplesse adaptée aux fibres du bois. Sous des formulations différentes, l’époxyde est capable de répondre avec efficacité aux trois opérations de base d’une construction bois moderne : collage, stratification et protection de surface par imprégnation, sans risque d’incompatibilité chimique entre produits d’origines diverses.
Additionné à des changes végétales ou minérales, il peut servir de colle très performante, capable de remplir en totalité les vides éventuels laissés par le constructeur. il ne tache pas et dispose d’un temps de prise variable allant de quelques minutes à plusieurs heures. Utilisé en mastic, l’époxyde a permis de développer des techniques d’assemblage nouvelles à l’aide de joints-congés, simplifiant considérablement la construction et lui assurant une parfaite étanchéité. Chargées en silice, les résines s’avèrent aussi particulièrement efficaces pour traiter les chants apparents d’un contre-plaqué, étanchéifier les puits de dérive, et, utilisées pures en stratification, durcir les soles exposées à l’abrasion.
D’une manière générale, l’époxyde peut se passer sur la coque au rouleau, mais demande, tout comme la peinture, une application en plusieurs couches successives de faible épaisseur pour éviter les coulures et les accumulation dans les points bas d’une coque. Sa mise en oeuvre exige quelques précautions -température et hygrométrie contrôlées – et une bonne protection de l’opérateur, car les durcisseurs sont fortement allergisants.
Employée en imprégnation chargée – c’est l’objet de ce test -, la résine se présente sous une forme liquide à deux composants, qui s’applique comme un vernis. Elle renforce les couches superficielles du bois et crée une barrière imperméable à l’humidité. Sa transparence est très adaptée aux finitions vernies certains passent ainsi trois couches d’époxyde en guise de base dure, puis quatre couches de vernis ou plus, de préférence bi-composant. Avec de la patience, le résultat est superbe et durable, mais il dépendra toutefois de la capacité du vernis à filtrer les UV et de la zone de navigation (Nord ou Sud).
Contrairement aux autres résines, les époxydes sont composés de 100% de matières solides, ce qui induit une absence quasi totale de rétraction à la polymérisation. A la différence des colles conventionnelles, le durcisseur n’est pas provoqué par l’évaporation d’un solvant, mais par cristallisation moléculaire – c’est pourquoi le rapport indiqué du mélange entre la résine et son durcisseur doit être rigoureusement respecté. Une fois polymérisé (durci), le film de résine souple devient presque parfaitement étanche à l’eau. Y compris sous forme de vapeur, et présente une très grande résistance aux produits chimiques et à l’abrasion. L’époxyde est si tenace que la moindre trace de résine subsistant sur une brosse ou un rouleau empêche pratiquement sa réutilisation. Sauf à gaspiller des litres de solvant – généralement de l’acétone -, mieux vaut employer des outils jetables. Mais tout cela finit par coûter cher et engendre des déchets non recyclables. Outre ces raisons matérielles, les lois sur les émissions de solvants organiques volatils ne cesse, à juste titre, de se durcir. Elles restreindront, voire interdiront à terme, l’usage de ces produits peu compatibles avec la protection de l’environnement. C’est pourquoi les chimistes ont mis au point des époxydes (et polyuréthanes) diluables à l’eau, ce qui facilite considérablement leur mise en oeuvre sans que leurs propriétés spécifiques s’en trouvent altérées. Il impose cependant de préciser que ces résines époxy à l’eau ne conviennent que pour protéger un matériau ; elle ne servent ni à coller, ni à stratifier.
Développée par la marque Résoltech pour l’imprégnation du bois, la Resolcoat 1010 est une résine blanchâtre associée à un durcisseur (1014) de couleur beige nettement plus visqueux (photo 1). La mesure des proportions peut se faire en volumique (dans un rapport de 1 pour 1 facile à mémoriser) ou en pondéral (densité du mélange 1.1). Attention, le port de gants et de lunettes de protection s’impose pour éviter les projections, d’autant plus fréquentes que cette résine est très solide.
Afin d’obtenir un produit parfaitement homogène, mieux vaut mélanger d’abord la résine et le durcisseur avant de rajouter l’eau de dilution (photo 2). La proportion de l’eau (de 0 à 100%) se détermine en fonction du type d’application – sur une surface verticale ou horizontale -, de la porosité du support et des conditions ambiantes de température et d’hygrométrie. Il est conseillé de ne pas travailler en dessous de 10°, une température de 18 à 20° étant recommandée afin de faciliter l’évaporation de l’eau et la polymérisation du film déposé. Une fois ajouté le volume d’eau correspondant aux besoins, on mélange le tout soigneusement.
L’application du primaire peut se faire au pinceau (photo 3 et 4), au rouleau ou au pistolet, sur tout support en bois massif, bois dérivé ou métal. La vie en pot – une heure à 20° – et la faible viscosité du mélange facilitent l’application, d’autant que le film, dont le débullage est immédiat, est recouvrable sans ponçage. Si cet époxyde s’élimine facilement à l’eau courante (photo 5), il ne s’agit pas pour autant d’un produit anodin. Il importe donc de s’en protéger et de veiller à en récupérer les effluents, qui doivent être confiés pour traitement à un centre de collecte des déchets chimiques.
Au moment de son application, le film présente une couleur laiteuse (photo 6) qui va disparaître progressivement au profit d’un revêtement brillant et transparent (photo 7) : on peut toutefois le rendre mat avec un durcisseur idoine (1016). L’enduction est d’autant plus tendue que la résine est diluée, mais, comme son épaisseur diminue d’autant, il importe de trouver le meilleur compromis entre le taux de dilution et le nombre de couches à appliquer, en tenant compte du fait que, sur une surface verticale, une résine trop diluée provoquera immanquablement des coulures.
Comme la plupart des polymères, la Resolcoat 1010 n’a pas une résistance aux UV suffisante pour un usage extérieur. Dans ce cas, il faudra la protéger avec un vernis, ou mieux, avec une peinture, le préférence un polyuréthane bi-composant (photo 8). Un apprêt époxy ou polyuréthane garnissant permettra d’obtenir après ponçage un état de surface de qualité. On peut aussi recouvrir directement le primaire, mais un ponçage d’accrochage est indispensable avant de coucher la finition.
Afin de compléter son primaire 1010, Resoltech a mis au point un système de peinture époxy compatible, toujours en phase aqueuse (référence 4030W). Ce produit est disponible en n’importe quelle couleur du nuancier standard RAL, à moins que l’on ne préfère le teinter soit-même avec les pigments fournis. Sa mise en oeuvre est identique à celle du primaire, proportions d’eau et de mélange mises à part. Selon l’esthétique – ancienne ou moderne – recherchée, on travaillera avec une finition brillante ou mate (référence Wm), à la brosse – qui laisse des traces visibles -, au rouleau (photo 9) ou au pistolet.
Les résines époxy en phase aqueuse ne sont certes pas universelles, mais elles ouvrent la voie à des mises en oeuvre plus faciles – vie en pot confortable, surcouchage sans ponçage, absence de solvants volatils et faible toxicité. Enfin, compte tenu de la souplesse et de la résistance à l’abrasion de ces revêtements, le résultat est particulièrement durable.]
Si cet article vous a plu, vous pouvez le retrouver dans le magazine Chasse-Marée n°188 de juillet 2006 en vente directement sur leur site internet. Vous pourrez également découvrir d’autres articles :
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